jeudi 28 janvier 2010

Insularité, amour des voix, cultures populaires anciennes et sophistiquées, Giuni Russo


Donc, le temps que je tombe raide amoureux des chansons de Giuni Russo un soir de 2004 en faisant ma grande cérémonie annuelle du concours de chanson de San Remo retransmis sur la Rai cinq soirées de suite (une chanson, un verre de rouge et une tranche de saucisson, e anda pe tutta la serata, il m'est arrivé d'annuler tout pour ne pas rater la finale), et crac elle est morte d'une horrible tumeur.

Au fur et à mesure j'ai découvert que c'était une insulaire sicilienne amoureuse d'une sarde du nord (qui parlent la même langue qu'en Corse et ont des tas de cousins en Corse), qu'elle faisait tout au second degré dans le drame tout en restant absolument légère et un peu infantile, plein de choses absolument parallèles aux imaginaires qui m'ont été donnés et que je laisse me poursuivre. C'est fatiguant cette absence totale de hasard dans la vie.

Jusqu'au père qui l'éblouit tous les étés en l'emmenant dans une île où il n'y a plus que le rythme de l'eau, du vent et les sentiments premiers, forcément sublime.

Un sens de la référence à l'histoire et un jeu permanent avec l'écume du monde du moment.

Et puis, et puis, l'homophobie, chose étrange. A 16 ans elle gagne le concours de Castrocaro, un monument des jeunes chanteurs italiens des années 70. On lui donne une marraine, Caterina Caselli (un monument également), et elle ne s'explique pas pourquoi la Caselli a curieuse froideur avec elle. Plus tard, la Caselli, qui s'est mariée avec le propriétaire de la principale maison de disques italienne, qui règne sur la distribution, essaie de l'exploiter et de l'éloigner en même temps (avec un contrat qui se termine par "je ne veux aucun rapport d'aucun type avec vous"), et puis de la casser en mille morceaux.

Avec les subsides de ses trois tubes à un million d'exemplaires, Giuni a quand même pu construire (quelle chance) une maison au village, en Gallura juste en dessous de Porto Vecchio, avec annexe pour la mère de son amie Maria Antonietta. Et depuis, la Maria Antonietta en question se démène comme une diablesse pour organiser un colloque ici, une réédition là, la construction d'une mémoire, un livre avec film et son inédit... que j'ai enfin pu recevoir.

Enfin bref, au village on est qui on est tranquillement dans cette partie du monde, elle aura eu au moins ça pour rattraper les rejets primaires de la Caselli.

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