mardi 30 mars 2010

Ricky Martin, Françoise Giroud : deux points communs et une différence

Une fois de plus cloué au lit par ma colonne vertébrale qui s'exprime plus que moi sur le stress, quand mes paupières ne tombent pas toutes seules sous le Myolastan, Topalgic et autres Biprofénid - aïe l'estomac, je lis la biographie de Françoise Giroud qu'a commis Christine Ockrent (et d'autres choses plus sensibles, heureusement).

J'ai vu Françoise Giroud tous les ans, de 1980 à 1992, la première fois pour un exercice d'interview à Strasbourg, puis, chaque mois de septembre à la Mostra de Venise, elle surgissait un matin sur la terrasse de l'Excelsior où je prenais le café entre deux projections en vacillant devant la grise beauté de l'Adriatique. Daniel ! Que devenez vous ! J'étais stupéfait de sa mémoire, et chaque année elle me donnait un petit secret de métier, et m'encourageait dans tout, y compris les sentiments, avec une rassurante douceur.

Une demi-heure de bonheur supplémentaire par an.

Et je suis stupéfait de la découvrir sous un angle tout à fait sordide que visiblement tout Paris a partagé. Moins stupéfait de voir comment, en tant que femme, elle en a particulièrement bavé pour être l'icône qu'elle n'a pas eu le choix de ne pas être.

Et voilà qu'aujourd'hui, oh surprise, le sublimissime Ricky Martin fait son coming out, "oui je suis un gay heureux" (explosion de fréquentation sur son site pour cette non-information). Pourquoi fait il cela ? Parce qu'il a fait concevoir des jumeaux par une mère porteuse pour être père. Et qu'il vaut mieux leur donner des bases claires pour l'avenir.

Françoise Giroud a eu deux enfants, le premier dans le cruel état de "fille-mère" - quelle violence que cet étrange statut qui a brisé des vies - la seconde dans le désir, mais en s'appuyant sur sa propre mère pour l'élever... Le premier est mort jeune, la seconde est une psychiatre renommée qui a pu construire sa vie à rebours des échecs de sa mère.

Points communs : utiliser sa beauté pour survivre, avoir des enfants en dehors de tout repère.

Différence : l'évolution de la société fait que pas grand chose de grave ne pèse au départ sur les jumeaux de Ricky Martin, du moins par rapport aux pressions sociales qu'ont subi ceux de Françoise Giroud et Françoise elle-même.

Je mesure l'injustice qu'a subi Françoise Giroud tout au long de ses succès, et cette douceur optimiste qu'elle m'a donné douze mois de septembre d'affilée ne fait que m'éclairer la mémoire, et de l'énergie pour lutter chaque jour contre les inhumanités. Elles sont toujours nombreuses.

dimanche 21 mars 2010

En Corse, un moment historique passé inaperçu sur le continent : les nationalistes maîtrisent l'assemblée et l'exécutif...

Ah, elle est rose, la Corse sur la carte de France, mais c'est une lourde erreur, les analystes n'ont pas vu : ils n'ont pas de microscope.

Les nationalistes sont presque à égalité avec la gauche, car les électeurs ont certes sanctionné la droite et l'engagement personnel de Sarkozy dans le pays de ses fils, mais il ont surtout sanctionné la partie de la gauche qui est profrançaise. Zuccarelli et la tradition socialdémocrate bastiaise ont été pour quelque chose dans cette non victoire, Renucci n'est pas assez important pour faire contrepoids.

On verra jeudi si les nationalistes obtiennent la présidence de l'assemblée, il me semble qu'ils peuvent obtenir l'exécutif (une sorte de gouvernement qui n'existe pas dans les régions continentales).

Sinon, ils peuvent quand ils le veulent mettre la gauche en minorité. Autant dire qu'ils sont plus forts que le gagnants.

Ca va être très intéressant, une vie cahotique arbitrée par les nationalistes. Il est vrai que depuis des années, la seule chose que les gens regrettent chez les natios, c'est la violence. Tout le reste fait consensus.

Dommage qu'on n'ait pas gagné une situation claire. Un peu moins de 2 %, et l'on avait une assemblée nationaliste, partie prenante de la république française... et élue pour la quitter.

A moins que ce ne soit déjà fait dans la vie quotidienne de l'île.

La seule chose sûre, c'est que la droite a perdu. A force de suffisance, et de rêves de profits touristiques dont personne n'a jamais voulu. Et ça, on le savait au moins depuis 1975.

Comment les médias français peuvent ils à ce point se tromper et ne pas informer ?

samedi 20 mars 2010

Du fond des âges

Et voilà une photo, surgie comme ça, un repas de fin de festival à Châteauvallon (mais moi je ne travaillais pas sur les spectacles, je suis un secondaire, je travaillais sur les images), entre 82 et 92, je ne sais plus.

J'avais entre dix et vingts ans de moins.

Il y a Simone Komatis, irradiante et centrale bien entendu, Elian Bachini, à côté d'elle évidemment, et je ne reconnais pas Christiane Espitalier.

Et moi, je suis où ?

mercredi 17 mars 2010

Laisser la gauche gagner des régions sans moyens, puis la laisser s'étouffer ? Pas con !

Et c'est reparti comme en 2004 !
Les commentateurs politiques sont aveuglés par une courte vue, seul leur regard sur la prochaine semaine est rabaché dans l'ensemble du bain moussant médiatique. Ca cache le reste ! Et surtout la suite...
C'est très intelligent de laisser la gauche gagner les régions : les régions n'ont pas de moyens (le budget de celle de Provence Côte d'Azur est inférieur à celui d'un département...).
Dans un an, il sera donc facile de dire qu'elles n'ont rien fait, les laisser s'user en occupant tranquillement leur terrain. Alors, ça laisse du temps pour reprendre tout le terrain, et il y a deux ans de tranquillité pour ça !

Autre fait passé totalement inaperçu : en Corse, le pays des fils du Président qui se sentent corses - et vicolais - avant tout, où il s'est investi avec coeur et totalement, il se passe quelque chose dont personne ne parle.

Le Président Nicolas Sarkozy, couvé par les sages corses de la région parisienne, dont la première femme et mère de ses garçons est la fille des anciens pharmaciens de Vico, a été désavoué cruellement (21 %, la gauche en tête comme jamais, les nationalistes à 30 % : c'est historique) dans le seul coin de France où la participation a été de l'ordre de 67 %. Evidemment ! En Corse, ce n'est pas un conseil régional qui est en jeu, mais une assemblée territoriale qui a les moyens et parle de sa "souveraineté".

Et pourtant ! Il n'a pas ménagé les moyens ni le coeur pour s'engager dans son très personnel "Projet pour la Corse". Pour la première fois, sont en passe d'être réglés les deux problèmes les plus graves : l'approvisionnement en électricité, l'approvisionnement en gaz (par un incroyable tuyau qui viendra d'Algérie jusqu'à l'île après avoir gagné la Sardaigne, puis l'Italie). Et bien d'autres choses ont été réalisées, dont le fait unique qu'est la création d'une chaîne de télé territoriale indépendante, F3 Via Stella (aussi sur satellite : je suis content, j'entends parler corse tous les soirs, j'ai le journal d'Ajaccio tous les jours).

Après tout ça, c'est quand même terrible que les Corses se soient jetés sur la gauche et risquent dans l'élan de mettre les nationalistes en voie de devenir un jour majoritaires (ils n'avaient jamais dépassé 16 % avant). Ces derniers jours, quand on a les cousins au téléphone, on a l'impression qu'ils sont en pleine révolution de velours. Du jamais vu.

Et, surtout, on a l'impression que les Corses s'essuient les pieds avec mépris sur les amis du Président, que ce soient de Rocca Serra ou Santini, et surtout Christian Clavier, dont la villa, en tant que symbole, a effacé tout le reste de la réalité. Nicolas Hulot a lui aussi une opulente villa dans l'extrême sud : personne n'en n'a jamais parlé !

Mais quelque chose d'autre a plus compté que ces efforts eux aussi historiques : je vais prendre le temps d'écrire mon hypothèse là dessus.

La situation est inédite sous la République. Au fait, c'est bien la Corse qui a elle toute seule avait provoqué la déchéance de la riche Républiuqe de Gênes, je crois...

dimanche 7 mars 2010

Mujica, ex-révolutionnaire devenu président de l'Uruguay...

D'accord, l'Uruguay, ex-suisse de l'amérique latine, n'est guère plus grand que PACA, mais mes lecteurs attentionnés se souviendront que j'ai une affection particulière pour ce petit pays latin qui sent bon l'Europe d'autrefois.

Et ça vaut la peine de se pencher sur le sens historique de l'élection d'un ancien tupamaro à sa tête, vendue comme l'émergence d'un nouveau "MiniLula".

Les pays latins d'Europe sont en panne de connaissance d'eux même à travers l'évolution de leur amérique, qu'ils ont oublié - Buenos Aires et Montevideo sont pourtant aujourd'hui encore plus proches de Marseille, Barcelone et Turin que de Londres, Berlin ou même Paris.

Cela permettrait pourtant de relire avec profit, en miroir, les années de plomb qu'on connu l'Italie, l'Allemagne et à un moindre degré la France, avec Action Directe, la Bande à Baader, les Brigades Rouges, utopies flamboyantes et sinistre souvenir : en Europe, ils n'ont su que tuer et n'ont jamais appris à réaliser leurs utopies. Or les Tupamaros, peu le savent, ont été le modèle de ces mouvements qui ont fini lamentablement en Europe, provoquant par là des raidissements libéraux devant l'échec gratuitement sanglant d'utopies égalitaristes et généreuses. Et les naufrages sociaux décadents d'aujourd'hui.

La violence des Tupamaros, très limitée face à la violence de l'armée manipulée par les Etats Unis et sans rapport avec leur projet (il s'agissait de répondre aux meurtres organisés par les militaires), a fini par se transformer en participation à un débat démocratique ouvert, et porter au pouvoir les premières coalitions de gauche en Uruguay.

Et figurez vous qu'économiquement (comme ici, maintenant, d'ailleurs), la gauche uruguayenne réussit beaucoup mieux que la droite libérale.

Bref l'Uruguay a aujourd'hui à sa tête un ancien utopiste prudent, qui lorsqu'il était ministre a démocratisé l'agriculture, élargi la protection sociale, développé l'éducation. A son investiture, lundi dernier, Hillary Clinton, tous les présidents de gauche d'Amérique du Sud dont Lula, et pour représenter la France, une troupe de sénateurs (comme pour rappeler qu'il faut être sage et aller à un train de sénateur !), même pas Carla, qui pourtant était toute désignée pour faire un coup médiatique. Sarko n'est plus ce qu'il était.

Il semble que le seul truc dangeureux avec Mujica, c'est qu'il a mis des costumes pour la première fois pour sa campagne, et pas de cravate pour son investiture. Lang avait fait scandale il y a vingt ans en apparaissant pour la première fois sans cravate à l'assemblée nationale. Mais bon, aujourd'hui même Obama fait le président sans cravate régulièrement...

"Coeurs croisés" : Decouflé débloque

Voilà, on a vu le dernier spectacle de Decouflé.

C'est une heure de vaudeville consacré à la ridiculisation du strip tease.

En fait je suis assez choqué, pas par la nudité (j'ai été elévé tout nu et je suis incapable de me baigner avec un maillot, et comme tout fils de naturiste je n'associe pas - tout de suite - la nudité à la sexualité), mais par le sens du spectacle, qui me semble vide et malhonnête.
Que l'on ridiculise les représentations commerciales de la sexualité et des "aguicheries", passe encore. D'ailleurs, choisir parmi un noir parce qu'il est une belle bête est suspect.

Que l'on termine par l'exposition modeste et magnifique des corps dans leur état de nature est tout à fait beau. C'est 10 secondes dans le spectacle.
Mais que l'on se moque amèrement du goût populaire dans ses représentations du corps et de la sexualité (notamment en ridiculisant les concours de danse acrobatique, dont le ridicule réel est touchant, les petits chiens avec qui les laids et laides vieillissants compensent leur vide), là ça commence à sentir mauvais.
Je suis Decouflé depuis qu'il a vingt ans. C'est Chateauvallon qui l'a découvert : son père est un ami de Gérard Paquet qui est venu demander conseil lorsqu'il a annoncé qu'il voulait danser, ce qui a été vécu comme une catastrophe pour la famille.

C'est ma génération : la recherche d'une synthèse entre le populaire, le commercial, la qualité de réflexion et le subventionné didactique. C'est terminé, maintenant il faut flinguer la décadence de la banque, de la bourse et du commerce, ça réclame d'autres attitudes esthétiques que celle-ci, qui n'est qu'un aveu de collaboration impuissante.
Il a été très fort là dedans, en étant notamment le représentant de la ligne claire (Hergé, Franquin... !!!), et d'une forme de recyclage positif des dégats de la modernité en fin de parcours.
Decouflé est actuellement directeur artistique du Carzy Horse, où notamment il a habillé les strip tease avec le défilement des cours de la bourse en temps réel, ce qui est assez fort en tant que dénonciation de la marchandisation du corps.
Mais il s'est fait rattraper : qu'il se lâche contre ces représentations tarifées jusque dans ses spectacles personnels, ça aurait pu être drôle si il n'y suintait pas un cynisme, et rien d'autre. Il regrette de toucher ses cachets du Crazy Horse ? Il ne fallait pas les prendre, alors !


A part ça, comme d'habitude, c'était très bien fait, mais j'ai eu du mal à rire.
Le jeu avec les plaçeuses des salles de revue, là encore une ridiculisation de comment on place les spectateurs en essayant de leur vendre du champagne (avec autre chose en dessous d'un certain niveau) était, curieusement, exactement ce que faisait le Grand Magic Circus ! Mais Judith Malina utilisait la nudité dans une optique de libération ! Qui a bien marché d'ailleurs. On n'est plus dans le même contexte : il faut aider les gens qui ne s'y retrouvent pas dans la liberté sexuelle qui ne provoque chez eux qu'errance et déshumanisation.