dimanche 7 mars 2010

"Coeurs croisés" : Decouflé débloque

Voilà, on a vu le dernier spectacle de Decouflé.

C'est une heure de vaudeville consacré à la ridiculisation du strip tease.

En fait je suis assez choqué, pas par la nudité (j'ai été elévé tout nu et je suis incapable de me baigner avec un maillot, et comme tout fils de naturiste je n'associe pas - tout de suite - la nudité à la sexualité), mais par le sens du spectacle, qui me semble vide et malhonnête.
Que l'on ridiculise les représentations commerciales de la sexualité et des "aguicheries", passe encore. D'ailleurs, choisir parmi un noir parce qu'il est une belle bête est suspect.

Que l'on termine par l'exposition modeste et magnifique des corps dans leur état de nature est tout à fait beau. C'est 10 secondes dans le spectacle.
Mais que l'on se moque amèrement du goût populaire dans ses représentations du corps et de la sexualité (notamment en ridiculisant les concours de danse acrobatique, dont le ridicule réel est touchant, les petits chiens avec qui les laids et laides vieillissants compensent leur vide), là ça commence à sentir mauvais.
Je suis Decouflé depuis qu'il a vingt ans. C'est Chateauvallon qui l'a découvert : son père est un ami de Gérard Paquet qui est venu demander conseil lorsqu'il a annoncé qu'il voulait danser, ce qui a été vécu comme une catastrophe pour la famille.

C'est ma génération : la recherche d'une synthèse entre le populaire, le commercial, la qualité de réflexion et le subventionné didactique. C'est terminé, maintenant il faut flinguer la décadence de la banque, de la bourse et du commerce, ça réclame d'autres attitudes esthétiques que celle-ci, qui n'est qu'un aveu de collaboration impuissante.
Il a été très fort là dedans, en étant notamment le représentant de la ligne claire (Hergé, Franquin... !!!), et d'une forme de recyclage positif des dégats de la modernité en fin de parcours.
Decouflé est actuellement directeur artistique du Carzy Horse, où notamment il a habillé les strip tease avec le défilement des cours de la bourse en temps réel, ce qui est assez fort en tant que dénonciation de la marchandisation du corps.
Mais il s'est fait rattraper : qu'il se lâche contre ces représentations tarifées jusque dans ses spectacles personnels, ça aurait pu être drôle si il n'y suintait pas un cynisme, et rien d'autre. Il regrette de toucher ses cachets du Crazy Horse ? Il ne fallait pas les prendre, alors !


A part ça, comme d'habitude, c'était très bien fait, mais j'ai eu du mal à rire.
Le jeu avec les plaçeuses des salles de revue, là encore une ridiculisation de comment on place les spectateurs en essayant de leur vendre du champagne (avec autre chose en dessous d'un certain niveau) était, curieusement, exactement ce que faisait le Grand Magic Circus ! Mais Judith Malina utilisait la nudité dans une optique de libération ! Qui a bien marché d'ailleurs. On n'est plus dans le même contexte : il faut aider les gens qui ne s'y retrouvent pas dans la liberté sexuelle qui ne provoque chez eux qu'errance et déshumanisation.

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