mardi 11 mars 2008

Tempête dans un (mon) palais mental


Donc, en ce moment, comme un anglo-saxon, je fais des listes. A force de faire des listes 3 heures le we, je remue ma mémoire. J'adore, mais enfin bon faudrait pas aller trop loin (et tout seul on va très vite très loin).

Elle est très remuée, ici et maintenant.

Comme tout le monde, j'ai eu un grand amour mental à quinze ans, et avec les possibilités de classement d'information d'aujourd'hui, je sais où il est et ce qu'il fait (en gros) trente-quatre ans après.

J'étais entre Paris et Ajaccio (plus exactement un village accroché dans la montagne au dessus), il était entre une métropole et un autre genre de coin de montagne vraiment très semblable (je ne m'en aperçois qu'aujourd'hui), j'étais dans une situation sociale difficile, fils d'instit de gauche chez les grands capitalistes, lui dans une situation personnelle difficile, fils d'intello chez les grands bourgeois parisiens.

On se consolait très bien de tout ça dans la bulle qui s'était créée, il me faisait des dessins époustouflants avec une sensibilité et une précision extraordinaires et je lui racontais des histoires (j'espère que ça lui plaisait). Il m'a d'ailleurs appris deux ou trois choses qui m'ont bien servi sur les mécanismes qui jouent dans la tête des artistes...

On s'est écrit un peu après avoir posé nos vies respectives dans nos lieux respectifs, et puis au bout de cinq ans on s'est fixés dans ces vies respectives. Je me suis installé, un peu plus près du départ du bateau, c'est quand même plus pratique.

Trente ans après, je suis toujours entre le lieu de départ du bateau et un village corse, et lui toujours entre la même métropole et le même village accroché à la montagne, un peu écarté de la route qui descend vers l'eau.

J'ai acheté une autre maison de granit que celle de mon grand-père, mais tout près.
Lui, il a un autre chalet au même endroit, et sa ligne téléphonique est à un double nom qui me laisse penser que je ne le connaissais pas vraiment, que je ne n'ai pas osé comme il aurait fallu !

Du coup je n'en dors plus, ou plus exactement j'adore me torturer en me réveillant à trois heures du matin : j'ai (il ?) a raté quelque chose, c'est très clair quand je le relis. C'est certainement très bien comme ça. Retenue continentale contre hystéries latines, on a s'est dit et écrit qu'il aurait fallu faire un peu plus attention à l'autre, chacun a construit, et, à quatre cent kilomètres de l'autre, nous me semblons être dans ces vies curieusement parallèles, accrochés dans un symétrie parfaite entre des villes et des villages accrochés à mi-pente.

Il dessinait vraiment bien et il me souriait toujours au bon moment (spécialement en éducation physique, y en avait besoin !). Ca me renforce toujours aujourd'hui avec la même intensité, mais, bon bon bon, le temps a passé et nous avons changé. J'espère que Philou comprendra, tout ça est une résurgence d'il y a trente-quatre ans, et parfois, je est un autre.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très joli et sensible, mais mieux vaut ne pas se risquer à reécrire une histoire qui ne s'est pas écrite.
Perversion de la durée qui contribue au trouble mental... et internet n'arrange rien à l'affaire.
Je dis donc : halte aux listes!

FunPv a dit…

C'est une très belle histoire, très bien écrite, et très bien vécue.
Comme elle l'est là.
Rangée dans ta tête et ton coeur, partagée avec tes amis....et avec celui que ton vrai "je" a choisi.