samedi 6 février 2010

Retraite, souvenirs d'enfance et post-colonialisme


Avec nos âges, et surtout quand on a des copains qui ont dix ans de plus comme moi, apparaissent de plus en plus les attachements identitaires en voyant les projets de ceux qui prennent leur retraite.

Moi qui passe mon temps dans le village de mon grand-père maternel à y prendre tous les cellules regénérées que je peux, j'ai d'ores et déjà passé beaucoup plus de temps que lui chez lui (qui avait largement préféré Saïgon, et son fils mon oncle avait préféré Casablanca !), je vis dans un tout petit triangle identitaire Paris Toulon Rome, en comparaison.

Ce qui m'émeut quasiment civilisationnellement est le nombre de pieds noirs toulonnais (de haut niveau ai je envie de dire, ils sont intellos et ouverts) qui achètent un pied à terre au Maroc et en Tunisie et en reviennent avec la forte envie d'y retourner jusqu'à la fin de leurs jours, prenant plaisir à y donner un coup de main à la jeunesse du coin, nettement plus enthousiasmée que celle qu'on comprime ici.

Trois, rien que cette semaine, qui vont et viennent de Toulon à l'endroit où ils avaient passé leur adolescence, s'en étaient crus évincés et le retrouvent avec une tranquillité, joie et ouverture inattendues. Le post-colonialisme sera peut-être bien : pas de rancoeur, beaucoup de respect, beaucoup de plaisir - je n'y croyais plus, et le temps que cet apaisement revienne en France j'espère que je serais toujours là pour profiter d'une bonne ambiance qu'on n'a plus vue depuis longtemps.

Les lieux d'enfance ! Pour rester dans un ton isulanien, explications : tout ça est monté à ma conscience en lisant un kitschissime ouvrage sur le retour des cendres de Napoléon, manipulation politique planétaire hilarante s'il en fut.

Ce voyage à haut risque a été l'objet d'un téléscopage politicoidentitaire de premier ordre.

Qui y avait il sur le bateau qui est allé à Sainte Hélène pour cette macabre occasion très manipulée par l'Angleterre ?

Le fils du Roi de France, bien sûr, qui s'est occupé de cette tâche avec finesse en laissant à peine transparaître son mépris, quelques vieux proches du héros, dont le fils Bertrand (les connaisseurs apprécieront).

Arrivée à Sainte Hélène, lieu beaucoup plus stratégique à l'époque (puisque le canal de Suez n'était pas ouvert : les plus importantes routes maritimes passaient là).

Tout le monde joue son rôle dans la comédie historique, têtes d'enterrement, gravité, jeux irnoiques avec le gouverneur anglais, sauf... le fils Bertrand.

Il saute de joie à l'apparition de l'île : surprise générale, l'endroit était et est encore plus devenu terrible et sordide.

Incompréhension générale. Dès l'abordage, il court partout et tombe dans les bras de tout le monde, et, à la deuxième surprise générale, d'une famille chinoise qui tombe en larmes, le prend dans ses bras, l'emmène partout. Un hystérique joyeux au milieu des pantins noirs.

Pourquoi ? Pauvre garçon, il a la rarissime particulité d'être né à Sainte Hélène ! Et les chinois en question ont contribué à l'élever dans ces particulières conditions !

Pour lui, le retour à Sainte Hélène, c'était le retour aux ... plaisirs de l'enfance ! Ca a failli faire capoter l'opération ! Et personne ne s'était mis à sa place.

Dernière anecdote qui montre que nos temps sont toujorus moins troublés : au retour, quelques tensions militaires France/Angleterre ont laissé croire aux participants que le bateau pouvait être attaqué... imaginez : le cadavre du dictateur coulé, ça aurait fait des pages dans les livres d'histoire !

En plus, histoire d'insulaires, sur ce lieu perdu, la France entretient le domaine de Longwood, ressource inespérée pour les habitants (desserte : deux bateaux par an, pas d'aéroport, cinq à six passage de croisière qui durent... six heures). Le type qui y est tient depuis... vingt ans, et n'hésite pas, sur son superbe blog que je conseille fortement : http://domainesdefranceasaintehelene.blogspot.com, à dire des choses graciles comme : "tous les rideaux ont été confectionnés par mon ami, J.J. à partir des dessins de 1815". Grâce à lui et un incroyable intelligence esthéticohistorique, Longwood est beaucoup plus coquet qu'il n'a dû l'être, je ne résiste pas au plaisir de vous en montrer la photo du mois dernier. On note qu'il photographie autant le jardin que la demeure symbolique, et que le drapeau européen surpasse le français ! En plus, il a le bon goût de prendre la défense des habitants et de leurs concours de cricket au milieu de nulle part, dans des rochers boueux ventés avec brouillard la majeure partie du temps. Un destin !

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