samedi 15 décembre 2007

Deux hommes sont morts, un seul ne reviendra jamais

...étranges et forts sentiments contradictoires depuis le verdict sur Yvan Colonna.
Tout d'abord, un homme est physiquement mort. Un seul : Claude Erignac.
Le préfet français (ardéchois, un autre pays de montagne, de pauvreté et de rudesse) qui avait su comprendre le mieux la Corse. Là me semble être le paradoxe le plus dramatique de toute cette affaire, et c'est peut-être pour cette raison qu'il est mort. L'intelligence, l'affection et l'attachement d'un homme téléscopant le sens de sa fonction.
Un autre homme passe avec sa famille à travers des morts qui ne sont, elles, que symboliques.
Mais comment interpréter cette phrase d'une femme du public qui a crié, sur le passage de la famille Colonna une fois de plus abasourdie, "respectez le deuil" (de la famille Colonna)... alors que la seule mort physique dans cette affaire est celle de Claude Erignac.
Cette perpétuité est la seule qui soit réelle dans cette horrible histoire.
Yvan Colonna résume bien un certain état de la population d'une île montagneuse : mère française attachée à la Corse, père ayant réussi en France jusqu'à avoir été élu de gauche dans les Alpes Maritimes, prof de gym, sympathique et ouvert... Yvan est donc devenu berger, entraîneur du petit club de foot du coin... et a participé aux débats, les plus rudes de toute la Corse, des militants engagés de Cargèse.
J'attends les minutes du procès, mais il me semble que chacun a reconnu sa participation aux discussions et aux actes qui ont mené à un assassinat. Et il reste impossible de savoir qui a tiré.
L'acte politique est donc assumé, l'acte humain a disparu.
Aucun jugement ne sera totalement juste face à une mort physique. La perpétuité des tribunaux n'a rien de comparable avec la perpétuité d'une mort réelle. Aucune loi barbare du talion ne saurait amener de sentiment de justice.
Aujourd'hui il me semble qu'il fallait absolument que dans ce procès chacun se confronte au mot "perpétuité". Que chacun, à Cargèse, ressente ce que provoque cette idée. Car, comme dans l'affaire Yann Piat, ce sont les enflammements irrationnels et morbides qu'il faut se donner les moyens d'arrêter.
Seule la réflexion plus ou moins partagée le permet.
Car l'action politique n'est pas la chasse aux sangliers dont on revient fier, pour se faire prendre en photo le torse bombé devant un amas de chair sanguinolente attaché à l'avant du gros 4x4 d'occasion. Cette image peut éventuellement être supportable car elle n'est que le prélude à un bon civet que l'on partage entre amis.
A moins qu'elle ne puisse, dans ses ambiguités, déchainer des pulsions ambigues chez des personnes fragiles et livrées à elles-mêmes.
A ce titre le plasticage d'une villa de l'amie d'enfance de Madame Erignac est infrahumain et tout juste infiniment triste.

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